Pendant longtemps a triomphé une vision politique et militaire de la Résistance, identifiée à des chefs et à des héros, aux combats des maquisards, aux opérations aériennes ou navales, à l’insurrection après le 6 juin 1944, enfin à la "brutalisation" dont ont été victimes de très nombreux otages et combattants de l’ombre.
Il ne s’agit pas de minorer l’importance de cette approche, mais au contraire de montrer que celle-ci ne peut rendre compte à elle seule d’une réalité à vrai dire composite, encombrée de poncifs, investie par une mémoire sélective, portée à l’instrumentalisation et à la caricature. A côté de cet aspect majeur, adossé à des témoignages et à des récits édifiants, mais insuffisamment conceptualisés, on doit explorer un autre champ, jusqu’ici largement délaissé par une historiographie répétitive, nonobstant de nombreux travaux pionniers, dus entre autres et principalement à Pierre Laborie, François Marcot, Laurent Douzou ou Philippe Buton... "L’idée de mythe colle à la peau de la Résistance" et depuis 1945 son histoire a fait naître des visions contradictoires et schématisantes, accrochées aux "conformismes fluctuants de l’air du temps". Ainsi, à une légende rose d’une France héroïque a succédé une autre, de couleur noire, celle d’une population basculant dans une sordide collaboration. Une telle présentation ne peut qu’être falsificatrice et mutilante, car histoire et mémoire ne peuvent être confondues. Et nul mieux que Pierre Laborie ne l’a rappelé, notamment dans un article paru en 1994 dans la revue Esprit : "Le rôle de l’historien n’est pas seulement de distinguer la mémoire de l’histoire, de séparer le vrai du faux, mais de faire de cette mémoire un objet d’histoire, de s’interroger sur l’usage éventuel du faux comme vrai et sur le sens que les acteurs veulent ainsi donner à leur passé". Et l’historien se doit aussi, ajoute-il, "de poser à ce passé toutes les questions du présent".
Le livre que nous proposent Pierre Laborie et François Icher recèle bien des
mérites. Au moins trois :
le premier se trouve dans la Préface de Pierre Laborie : brève mais dense, elle rappelle certaines données essentielles, qui devraient être connues et ressassées, non seulement par les professeurs d’histoire, mais aussi par ceux qui s’érigent en "transmetteurs" de mémoire
le second réside dans un choix de citations, courtes le plus souvent, mais toujours disant l’essentiel, et caractérisant "l’évolution, la diversité, la plasticité et la complexité d’une expérience singulière", commencée avec "l’incroyable défaite de juin 1940" (Marc Bloch) et se terminant avec le "gai matin de la Libération", accouchant d’une seconde naissance, qui verrait "le gazon (pousser) sur la sépulture de (...)